Nov 13, 2008

La journee d'un trekkeur

La journee d'un trekkeur demarre tot. L'heure de depart depend du programme de la journee mais depasse rarement 8h00. Disons qu'il se leve a 6h00 lors d'une journee normale, une demi heure apres le soleil, au son des appels de son guide qui, malgre ses demandes expresses d'arreter, continue a le reveiller en lui plantant une tasse de the dans les mains.

Toujours installe au chaud dans son duvet, le voila bien embarrasse avec son the bouillant dans les mains ! Et dire que tous les jours c'est la meme chose, marmonne-t-il dans ses dents.

Il depose son the tant bien que mal et essaie de se motiver a quitter le chaud pour le froid. Heureusement, il a pense a mettre sa polaire dans son duvet la veille, histoire que l'enfilage de celle-ci ne le refroidisse pas d'emblee. Il y recupere au passage les batteries de son appareil photo qu'il avait placees dans sa veste, afin que celles-ci ne se dechargent pas pendant la nuit a cause du froid.

Il s'habille vite, le trekkeur, car s'il aime ses montagnes, il n'aime pas tellement le froid.

C'est vite l'heure du petit dejeuner, qu'il a commande la veille sous l'impulsion de son guide qui a peur de prendre trop de retard. Il arrive a peine dans le dining room qu'on lui refourgue un thermo de the, qu'il doit se resoudre a boire pour limiter les problemes de sante lies a la haute altitude. Il s'y resoud, reluquant les troupeaux de touristes abreuves au cafe noir infect.

Au debut du trek, le trekkeur a essaye les pancakes, pour se rendre compte qu'ils n'etaient jamais suffisamment cuits. Evitant soigneusement le porridge plutot courant dans ces contrees, il a fait un choix raisonnable mais dont il s'apercevra vite que ca ne nourrit pas son homme : les toasts. En fin de trek, il se jettera sans complexe sur une omelette et des pommes de terre, s'etonnant lui-meme de ce choix "sale" alors qu'il est plutot "sucre".

Une fois le petit dejeuner avale et le sac fait en grommelant que ca commence a le gonfler serieusement de faire et defaire sans cesse son sac, le voila fin pret pour se mettre en marche. Il s'y mettra reellement quand il aura mis sa creme solaire et ajuste son bonnet, soleil ne voulant absolument pas dire au Nepal : temperature clemente !

Ca y est, il a demarre. Il refait le planning de sa journee dans sa tete : generalement, une journee de trek normale compte 5h de marche et des denivelees positives a s'avaler. Tant que le terrain est plat, notre trekkeur se promene nez au vent, ravi de profiter d'un si beau paysage. Quand la pente s'incline, le voila concentre sur son souffle, regulant le rythme de ses pas en fonction de son essoufflement.

Les bons jours, ca le fait marrer et il accelere a la vue d'autres trekkeurs plus ralentis. Les mauvais jours - il y en a toujours - il peste sur son etat de forme et fait avec ses doutes. Car "toujours plus loin toujours plus haut", le trekkeur se dit qu'il n'est pas au bout de ses peines. Son acclimatation se fait plus ou moins bien selon les cas. Personne n'est a l'abri. Meme pas les guides.

En bon trekkeur, il s'est documente. Il connait les symptomes du mal de l'altitude et traque l'arrivee de l'un d'etre eux avec la concentration du chat qui guette une souris.

Au cours de sa journee, le trekkeur aura ote et enfile sa grosse veste a peu pret 40 fois. Au soleil, il etouffe. A l'ombre, il se les pele. Bienvenue dans l'Himalaya ! En fin de trek, il aura pris une bonne resolution, enerve qu'il est de ces changements intempestifs de temperature : il reste habille, quoi qu'il arrive !

Les mauvais jours, il a le regard vide, hagard, le trekkeur... il peine a soulever les pieds et ressemble plus a un zombie depite qu'a un fier montagnard ! Il fait face a la fatigue, son etat de salete etant innommable (pas de douches, peu de vetements de rechange et il transpire a cause de l'effort) et son souffle court, induit par l'altitude.

Souvent il sera passe par une gastro, passant ses nuits entieres a se rendre aux toilettes une frontale sur la tete, contournant les yaks qui lui barrent le passage.

Il aura aussi subi les nuits "en dortoir" avec des gens plus puants que lui, petant et ronflant meme...

Souvent, les 5h de marche se termineront par un lunch pris sur le lieu de repos pour la nuit. Content d'avoir reussi a fournir l'effort requis pour la journee, il se jettera sur la carte du restaurant avec enthousiasme, oubliant une fois de plus qu'il n'y trouvera rien d'autre que du riz ou des pates.

Pendant le repas, il observera les autres, le trekkeur, essayant de deviner d'ou ils viennent. Il remarquera que les tcheks sont en grand nombre cette annee, de meme que les asiatiques, allemands, anglais et italiens.

Il passera la fin de l'apres-midi a tenter de laver ses chaussettes dans le ruisseau qu'il a deniche et les premiers jours de trek, il s'y lavera lui-meme ! Les jours suivants, il capitulera, ne s'habituant pas a son odeur mais jugeant qu'elle est moins incommodante que le froid de l'eau du ruisseau, qui le glace a ne plus trouver a se rechauffer pour toute la journee.

Fatigue, le trekkeur ira dormir tot, apres avoir dine a 18h00... Il tentera de lire quelques pages d'un des bouquins qu'il avait emporte avec grande conviction, mais le sommeil l'emportera lui, sa polaire au fond du sac et ses piles dans les poches. Au bout de 2h il se reveillera malgre tout, emberlificote dans son sac a viande et avec une terrible envie de pisser. Faisant dans sa tete le chemin a effectuer pour apaiser cette envie, il preferera se rendormir dessus. Ce n'est qu'une heure plus tard, n'ayant pas dormi en essayant de se contenir, qu'il se resoudra a chercher sa frontale a tatons, a sortir de son duvet, s'habiller en grelotant, enfiler ses chaussures de marche et braver la puanteur des chiottes communes. Il reviendra alors se pelotonner dans son duvet, souriant aux bruits des autres trekkeurs se levant pour les memes raisons.

Il revera de montagnes, le trekkeur. C'est son guide qui le sortira de ses reves pour le faire replonger dans la realite : les montagnes, ca se merite ! Pour cela, il faut marcher. Et boire du the, accessoirement...

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