Sep 1, 2003

Rame, rame, rameur, ramez !

Cher Rotverdum,

Je suis bien contente d'être rentrée en Belgique. Je ne sais trop dire pourquoi en fin de compte, mais le seul fait de revoir mes amis y est déjà pour beaucoup. Me voilà donc assise entre deux chaises : nous travaillons, nous avons un logement, mais nos meubles sont toujours dans le bateau !
Rame, rame, rameur, ramez, on n'avance à rien dans c'canoë !
Bref, tu t'en doutes, on squatte chez les potes, nos valises à la main. Mais elles finissent par peser lourd, ces valises ! On aimerait se poser, enfin être chez soi… C'est donc avec impatience que nous attendons le jour J, le jour où enfin, nos p'tites affaires retoucheront à nouveau le sol belge.
1er octobre : Ca y est, dis : nos affaires sont à Anvers ! Par contre, chose pas évidente, 'faut qu'on passe la douane. Tcheu dis ! Moi ch'te dis, la dwan', c'est ben ben compliqué quand t'es une belge mariée avec un français ! Ben oui quoi, on ne sait pas trop pourquoi mais c'est comme ça ! Ca n'aide franchement pas hein cette maudite nationalité française ! Puuuuut ! Si j'avais su que je devrais la traîner comme un boulet comme ça partout, j'y aurais réfléchi à une fois, dis ! Bon… K'ess-tu dis ? C'est l'Europe ? Que nenni hein toa !
Rame, rame, rameur, ramez, on n'avance à rien dans c'canoë !
Je te passerai les détails à ce sujet car c'est aussi ennuyeux que les 50 coups de téléphone que j'ai du passer pour arriver à débloquer la situation ! Donc donc… Après cette première galère, on sentait le truc venir : ça puait l'pâté, comme on dit icitte !
Rame, rame, rameur, ramez, on n'avance à rien dans c'canoë !
Enfin bon, ça y est, nos affaires arrivent chez nous ! Mardi 7h30 : Mon chum étant bloqué à une réunion pour toute la journée (super !), j'arrive seule à l'appartement 30 minutes à l'avance (ben quoi, on ne sait jamais que le gars du conteneur arrive plus tôt que prévu). Première merde : le proprio avait dit qu'il laisserait l'appartement ouvert… l'est fermé ! Je lui téléphone, m'en fout si j'le réveille ! C'est bon, il vient ouvrir. Super efficace la fille ! Mardi 8h00 : Les déménageurs arrivent (pas le conteneur : les déménageurs !). Mardi 9h15 : Le conteneur n'est toujours pas là. Je commence à stresser sérieusement. "Allow madame ? Oui dites c'est pantoute icitte. J'attends depuis plus d'une heure dites c'est normal ?". Bon, i va arriver paraît-il… Les déménageurs, eux, ne sont pas de cet avis : ils veulent se casser car ils ont du taf ailleurs… Euh… réfléchissons vite, réfléchissons bien…
Rame, rame, rameur, ramez, on n'avance à rien dans c'canoë !
"Il est bien entendu que je vous payerai les heures d'attente". Ils restent. Deuxième merde résolue. Bon, par contre, toujours pas de conteneur à l'horizon… Mardi 9h45 : Un beau conteneur tout bleu arrive triomphant dans la petite rue commerçante que nous allons habiter. Euh… I rentre pas dans les places réservées sur la place au bout de la rue (je l'avais bien dit à l'agent de police que ses deux places de parkin' seraient ridicules par rapport à mon gros conteneur). Heureusement, j'avais prévu le coup : j'avais réservé des places avec ma voiture et quelques chaises. 30 minutes plus tard, mes ptites affaires sont garées sur le bord du trottoir. C'est là qu'intervient Hagard Dunord : un viking enrobé et barbu sort du camion. Il sait parler, c'est déjà ça. Kesskidit ? Il a pas de pince. Ah. Et alors ? Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah faut une pince (énorme) pour couper le scellé du conteneur ?! Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah et comment se fait-il que le 'tit viking i l'a pas prévu d'pince ? Ben oui, j'me balade tous les jours avec une pince énorme (faut couper 1,5 cm d'épaisseur d'acier !) en poche ! Ben non fieu, moi tout ce que j'ai se trouve dans ton p... de conteneur ! Big stress vite supplanté par la vision d'horreur qui m'arrive : trois flics se pointent. Y a une dame qui les a appelé parce qu'à cause du camion qui est garé su'l trottoir, ben elle peut pas passer avec sa poussette ! Restons calme… Elle ne peut pas traverser la rue pour passer sur l'autre trottoir la p'tite dame ? Non ?
Rame, rame, rameur, ramez, on n'avance à rien dans c'canoë !
J'esssssplique ma situation désespérée aux flics qui ne peuvent rien pour moi mais décident de pas m'ennuyer, pour le dire poliment, avec l'histoire de la poussette. Ouf, revenons à nos moutons : Hagard Dunord est remonté dans son camion parce qu'il pleut à boire debout ! Très peu perturbée par ce détail malgré mes courtes manches et ma pharyngite, je m'organise avec les déménageurs pour faire le tour du quartier à la recherche du temps perdu… 30 minutes de recherche et une engueulade au téléphone avec les mecs d'Anvers n'y font rien : il est 10h45, je paie les déménageurs depuis 8h00, le conteneur est toujours scellé et le viking me dit qu'à 12h00 il doit être reparti. Je m'entends lui répondre que s'il le faut je me coucherai devant son camion pour le retenir et qu'il ne faut pas se foutre de la gueule du monde ! Je vais péter un plomb c'est pas possible ! Bon… Guillaume… j'appelle le gnôme de ma vie à la rescousse. Il va venir avec une meule. Il a 45 minutes de trajet…
Rame, rame, rameur, ramez, on n'avance à rien dans c'canoë !
Les déménageurs vont voir s'ils n'auraient pas un outil dans leur dépôt. J'attends… C'est là que trois furies apparaissent. C'est la coiffeuse et les deux vendeuses du magasin de vêtements juste à côté de chez moi : le camion masque leur vitrine, on leur fait perdre leur journée, c'est irrespectueux, c'est dégueulasse. Elles crient tant qu'elles peuvent, impossible de placer un mot. Impossible d'expliquer quoi que ce soit, ni de mettre en évidence qu'il n'y a pas un chat dans la rue vu le temps qu'il fait, ni que franchement, ça m'est rarement arrivé de flâner en ville et de me dire, en apercevant la vitrine d'un coiffeur, que -tiens, j'irais bien chez le coiffeur-. Enfin bon, elles hurlent et prennent les passants à témoin. "Si vous ne vous bougez pas j'appelle la police". "Ben appelez-les, ils sont déjà venus". Elle les appelle. Ils veulent pas venir. Hihi. A l'autre de répliquer : "Moi je connais le commissaire, je vais l'appeler". Incroyable, enfin bon… J'ai bien envie de la claquer contre le mur ! Ne pas craquer, ne pas craquer. Les déménageurs arrivent. Ils ont un marteau et un burin. On va essayer. Dur dur… C'est à ce moment là que je trouve une scie à métaux ! Après quelques essais on approche du but : ça y est c'est ouvert ! Alleluia alleluia alleluia ! On se concerte avec les déménageurs : 'faut sortir le plus de trucs possible du camion avant que le commissaire n'arrive. On tape tout dans l'entrée aussi vite que nos ptits muscles nous le permettent. C'est alors que le commissaire débarque et s'adresse au viking qui daigne sortir de son camion : "Monsieur, vous n'avez pas le droit d'être sur le trottoir, je vous donne l'injonction de vous mettre ailleurs". Le viking, imperturbable, répond calmement : "Non". Hihihi je me marre… Pendant ce temps-là je continue à décharger le camion. Le commissaire devient tout rouge et s'énerve : "En ma qualité de commissaire, je vous donne l'ordre de dégager le trottoir". "Non". Hihihi… Pendant ce temps-là, un des deux déménageurs adresse un "ta gueule" systématique aux furies à chaque fois qu'il passe à côté d'elles les mains chargées de caisses. Si nous n'avions pas tous les passants et les trois furies sur le dos, la situation serait presque drôle ! Le commissaire s'adresse aux furies et leur dit qu'il s'en va, qu'il ne peut rien faire : "Mais môssieur, faites quelques choses, vous êtes notre dernier recours". "Ben vous voyez bien qu'il ne veut pas bouger, que voulez-vous que je fasse ?". Hihihi le commissaire a l'air d'un con. Finalement, le manège continue encore une demi-heure puis je me résigne à demander au camionneur de se mettre ailleurs avant de me payer une amende carabinée.
Rame, rame, rameur, ramez, on n'avance à rien dans c'canoë !
Nous continuons donc à décharger le camion dans le calme mais nous avons 300m à faire à pied entre le camion et l'appartement. Petit détail lorsque l'on considère que l'on doit se taper 4 volées d'escaliers par la suite pour arriver chez nous. Les déménageurs étant pressés, moi et Guillaume, arrivé entre-temps, les aidons à monter les caisses.
Rame, rame, rameur, ramez, on n'avance à rien dans c'canoë !
Ca y est, on est épuisés mais tout est là ! Nos p'tites affaires sont dans le salon… Y a plus qu'à… tout ranger. Je m'y mets tout de suite malgré l'extrême fatigue due à cet épisode, les démarches qui l'ont précédé, le portage de caisses, le boulot en parallèle et accessoirement, ma pharyngite. Je déballe… Chaque objet est emballé dans 10 feuilles de papier… ça donne l'impression de déballer ses cadeaux d'anniversaire. Au début c'est gai, mais ça devient vite pénible, tout de même…
Joyeux anniversaire… Joyeux anniversaire… Joyeux anniversaire… C'est bizarre, j'entends même la chanson… Ca doit être chez le voisin. Bon, 1h après, c'est toujours la même rengaine… Ca devient pompant à la longue ! Joyeux anniversaire… Joyeux anniversaire… Joyeux anniversaire… Oui bon ça va on a compris ! Je finis par me demander si je n'ai pas -à cause de la fatigue- des hallucinations… Je me pose sérieusement la question lorsque je me rends compte que la musique vient d'une des caisses. Je pose l'oreille sur chaque caisse : c'est celle-là ! C'est une des caisses qu'un ami nous a demandé de ramener du Canada. Je l'ouvre le plus vite que je peux. Joyeux anniversaire… Joyeux anniversaire… Joyeux anniversaire… C'est une caisse de lettres. Après avoir viré la moitié du courrier par terre tant mon état nerveux est inquiétant, je la trouve enfin et lui fait passer un mauvais quart d'heure. Bon, je continuerai tout ça plus tard. Pour l'instant, je m'affale sur le fauteuil que j'ai réussi à déballer et je pense à ce que le déménageur m'a dit en partant : "Vous voyez m'dame, on devient comme ça quand on devient grand !". Je veux pas grandir, Rotverdum ! Je veux pas ! Tu crois que c'est obligatoire ? Pour terminer, AVIS : je cherche activement une manière de me venger légalement et pacifiquement de la connerie des trois furies que j'ai pour voisines. Qui a une idée ?!
Pantoute


Les Gilles de Nivelles : fête traditionnelle dans notre nouveau lieu de résidence. C'est un peu comme les Gilles de Binche sauf qu'ils lancent des mandarines plutôt que des oranges (ça fait moins mal). Par contre, ils sont tout autant bourrés qu'à Binche et la musique est tout aussi répétitive...